Circle of Confusion | Varsovie | 2018

Słodkich snów, Warszawo.

Est-ce que je suis vraiment partie ; est-ce que c’est elle que j’ai observée; je crois que ce n’était qu’un rêve, un enchantement. Le réel n’existe pas. Tout se construit, tout se détruit. Partir et pour mieux rêver, oublier de s’en aller.

Je marche dans son ventre, avec l’air de ses poumons qui s’écrase dans mon dos et dessine, au son de sa voix, le chemin de mes pas. Les dernières gouttes d’or se diluent dans le courant du fleuve, je me déplace sans savoir qui je suis, sans comprendre qui elle est. Quelques uns photographient le flux de l’eau, je les ignore, je préfère savourer les reflets de la lumière flottant sur ma peau.

Je rêve ou je me souviens du vent de là-bas, danse danse et s’envole le temps, déjà d’autrefois.

Jusqu’ici tout est nouveau, je frôle un bitume inimaginé, le lit de la ville, lieu du songe. Un chemin de traverse qui me propulse au coeur de son coeur. Je choisis de prendre à gauche, c’est ici que je dois aller, pas ailleurs, c’est là que je commence à mieux la connaître. Une errance qui promet de me raconter une histoire, un secret. Ce qu’elle a vu, ce qu’il valait mieux ne pas voir. Et je tombe, le globe lourd et saturé, elle me berce de ses mots que je saisis du bout des doigts, même si je ne les comprends pas.

Je rêve ou je me souviens des gens de là-bas,
parlent parlent et s’agitent les mains, encore une autre fois.

Elle est entrée par la voie veineuse, très vite je la sens indispensable, aussi vite je comprends que je n’existe pas pour elle, je ne suis pas réelle. Elle est celle que je regarde par la fenêtre, je photographie son corps et ça la fait rire. Elle se fout de moi. Je me relève, je dois aller regarder plus près, sa matière me parle, elle raconte, les rires, la douleur, la mémoire. Ici il y a une trace, quelque chose d’écrit, c’est immuable. Et je tombe à nouveau, éprise et endormie.

Je rêve ou je me souviens des sentiments de là-bas,
palpite palpite et se soulève le dévouement, pour la dernière fois.

Le temps est avare, du vivant il ne m’offre que ses débris, ses cendres. Je dois m’accrocher à l’image pour l’empêcher de m’arracher les souvenirs. J’ai l’impression qu’elle a existé, quelque part entre le rêve qui résiste et le réel qui déclineJ’ai ouvert les yeux et j’ai vu la ville prendre le large.

Certains rêves ne s’effacent pas, hier soir encore, je songeais à elle. Quand je sens qu’elle s’en va, je m’isole, regarde son portrait et murmure à ses oreilles :

« Słodkich snów, Warszawo. »
(« Fais de beaux rêves, Varsovie. »)

Daniela Marchetta

 

Avril 2018, douze étudiant·e·s arpentent Varsovie en quête d’images lors d’un atelier avec le photographe Rudolf Steiner et Léonore Veya, doyenne du département photographie au Centre d’enseignement professionnel de Vevey (CH). De leurs enquêtes autour du quartier vibrant de Praga, naît une exposition au Konsulat Prättigau situé dans la capitale polonaise, et une série de propositions qui s’assemblent dans le livre CIRCLE OF CONFUSION, une collaboration entre le CEPV et les Edition Haus am Gern.

Photographes : Ludmila Claude, Maciej Czepiel, Bianca De Luca, Meryl Henchoz, Emilien Itim, Aude Juillerat, Aria Konishi, Raphaël Lods, Lorenzo Merlanti, Léonard Rossi, Jessie Schaer et Ilona Tschümperlin

CIRCLE OF CONFUSION/ KRĄG ZAMIESZANIA
Editeurs/ Wydawcy
Edition Haus am Gern & CEPV
Concept et direction de la publication/ Koncepcja i nadzór wydawniczy
Rudolf Steiner & Leonore Veya
Graphisme/ Grafika
Ania Nałęcka-Milach (Warszawa, Polska) & Barbara Ehrbar (Bienne, Suisse)
Relecture des textes/ Korekta tekstów
Leonore Veya & Nicolas Savary
Préface/ Wstęp
Daniela Marchetta
Archives/ Archiwa
Wojciech Zamecznik (Fundacja Archeologia Fotografii, Warszawa)
Muzeum Warszawskiej Pragi, oddział Muzeum Warszawy
Traduction/ Tłumaczenie
Magda Dallig
Production/ Produkcja
Pixartprinting, Italie/ Ediprim, Suisse
Partenaires/ Partnerzy
Konsulat Prättigau, Nieporęcka Sp. z o.o., Fundacja Archeologia Fotografii, Muzeum Warszawskiej Pragi, oddział Muzeum Warszawy

Konsulat Prättigau
Edition Haus am Gern